La formule gagnante du système allemand
Depuis 1928, les allemands dominent dans les trois disciplines classiques au niveau olympique. Imbattables ou presque en dressage, ils excellent également tant en obstacles qu’en concours complet. Parfaitement adaptés aux exigences du dressage et du saut d’obstacles, les chevaux allemands ont connu depuis une grande popularité à travers le monde. Depuis près de 30 ans, l’élevage de chevaux allemands se développe au Canada et on y retrouve désormais des juments poulinières et étalons provenant des meilleures lignées, ainsi que des poulains très prometteurs. Cependant, malgré le fait que nous possédons d’excellents chevaux, ainsi que des cavaliers hautement qualifiés, l’équipe canadienne perce timidement au niveau international. Les co-auteurs de cet article se sont penchés sur la question et c’est au cours de voyages en Allemagne qu’ils ont désiré analyser et comparer le système allemand au système canadien.
Bien que l’Allemagne bénéficie d’une longue tradition équestre, auparavant, les caractéristiques des chevaux devaient répondre principalement aux exigences de la guerre. Les sélections rigoureuses ont véritablement débuté en 1732 (avec la fondation du haras des chevaux trakehner et en 1735 avec celle du nouveau haras de chevaux hanovriens de Celles), afin d’obtenir des chevaux robustes et puissants. Ce n’est que quelques années après la deuxième Guerre Mondiale que le nouvel objectif vis-à-vis le développement des chevaux allemands s’orientait en concordance avec les épreuves de dressage.
Depuis plusieurs années, les allemands ont élaboré leur système d’entraînement sur six concepts, qu’ils suivent tout au long de l’entraînement du cheval de dressage ou d’obstacles. Ces six étapes fondamentales, qui sont interconnectées consistent en : le rythme, la souplesse, le contact, l’impulsion, la rectitude et le rassembler. L’atteinte de tous ces préceptes a pour but ultime la » Durchlässigkeit « , qui se traduit par la parfaite acceptation des aides, tout en maintenant le plus grand niveau de souplesse du cheval. La position allemande et l’école allemande ont été critiquées, on leur a reproché entre autres d’amener leurs chevaux à un degré tel de soumission qu’ils semblaient parfois mornes et contraints. La précision rigoureuse exigée pouvait les rendre plus mécanisés qu’animés. Cependant, bien que la France soit le berceau de l’équitation classique, on s’aperçoit que c’est le système allemand qui est le plus reconnu à travers le monde comme répondant aux exigences du dressage moderne. C’est probablement aussi l’Allemagne qui produit par habitant le plus grand nombre de cavaliers classiques au monde. L’allemand Müseler, auteur du livre de dressage Riding Logic (1937), considéré comme la bible et livre du siècle pour de nombreux cavaliers, décrit parfaitement le dessein de l’équitation classique : » … elle peut se définir comme la méthode qui a pour objectif l’harmonie parfaite entre le cavalier et le cheval de manière naturelle, en prenant en compte la psychologie du cheval « . Les écoles allemands et romanes sont toutes deux basées sur cette même conception. Les méthodes observées diffèrent simplement par le tempérament, la culture et le caractère des deux nations. Le célèbre cavalier allemand Reiner Klimke, considéré comme l’homme de cheval du siècle, représente bien cet idéal que tout cavalier devrait rechercher. Six fois médaillé d’or aux Jeux Olympiques, Klimke s’est d’abord accompli comme cavalier de l’équipe nationale allemande en concours complet, puis en dressage. Sa méthode lente et progressive profita à de nombreux cavaliers dont le champion canadien de sauts d’obstacles Ian Millar.
Une autre raison qui contribue au succès des allemands en dressage est la présence marquante de clubs fournissant des chevaux d’école de très bon niveau. De plus, ont remarque que l’apprentissage des rudiments de l’équitation est beaucoup plus méticuleux et progressif, et s’étend sur une plus longue période. Tout au long de la formation, la position du cavalier demeure un point essentiel qui doit être parfaitement maîtrisée. En effet, les élèves débutants ont souvent l’opportunité de commencer leurs cours à la longe et même les cavaliers de niveau Grand Prix en dressage continuent d’utiliser cette méthode pour se perfectionner. Résultat : il est presque impossible de distinguer les cavaliers de dressage et d’obstacles sur le plat. Cette base solide acquise en dressage permet à tout cavalier de développer une plus grande compréhension des aides, de garder son cheval attentif et réceptif, souple, et de diminuer le risque de blessures. En Amérique, il n’existe aucune tradition d’équitation académique, car elle est depuis le début, uniquement sportive. Puisant ses origines en Angleterre, l’équitation classique pratiquée en Amérique du Nord est surtout de type chasseur/sauteur. Les nord-américains n’ont pas hérité d’un système d’entraînement classique, et par conséquent, les cavaliers sont plutôt dirigés aux sauts d’obstacles avant même d’avoir confirmé leur position et de maîtriser des exercices de base sur le plat.
Une autre différence qui existe entre le Canada et l’Allemagne se retrouve au niveau de la distance géographique. Pays fortement peuplé (82 millions d’habitants sur une superficie de 375 000 km2), les cavaliers allemands ont peu de distance à parcourir entre les sites de concours. Presque tout au long de l’année, un nombre impressionnant de concours est organisé dans les différentes régions, ce qui leur permet de développer une excellente maîtrise de soi et de leur monture en situation de stress.
Finalement, les institutions et installations hors paires disponibles en Allemagne constituent une autre des raisons expliquant leur succès. Formé en 1913 par le Kaiser, le comité olympique allemand, le DOKR, avait comme seul objectif de rapporter des médailles au pays. De nos jours, ce comité permet à la relève de s’entraîner en leur fournissant l’encadrement nécessaire. En effet, suite à la fermeture de la célèbre école de cavalerie de Hanovre, le DOKR a mis en place des installations d’entraînement à proximité de l’école d’équitation nationale allemande de Warendorf. Recevant l’appui de l’État Fédéral allemand, ces centres d’entraînement ont pu offrir les meilleurs chevaux d’école aux futurs instructeurs, un encadrement adéquat aux athlètes olympiques, ainsi qu’une atmosphère propice à l’apprentissage des trois disciplines.
Depuis les vingt dernières années, plusieurs cavaliers américains et canadiens bénéficient des connaissances d’entraîneurs allemands de haut niveau, ce qui a grandement amélioré leurs performances sur la scène internationale. L’organisation, l’encadrement et l’aide offerts par la fédération de dressage américaine aux cavaliers, inspirée du modèle allemand, vient en confirmer l’efficacité, puisque que l’équipe américaine remporta la médaille de bronze à Sydney et à Athènes. Au Canada, la mise sur pied récente de l’organisation Dressage Canada (2001), permettra sans doute dans les années à venir de développer une solide relève et une équipe canadienne très compétitive.
Bibliographie:
-LOCH, Sylvia. Histoire de l’Équitation Classique,
De l’antiquité à nos jours, Maloine, Paris, 1994.