Les origines du dressage
« En avant, calme et droit »…
Ces trois petits mots du Général Alexis l’Hotte (1825-1904), qui sont toujours d’actualité, résument l’achèvement du dressage et ce que le cavalier doit avoir en tête tout au long de son travail. Ce sont ces trois qualités tant recherchées chez le cheval qui nous amènent à vous introduire à l ‘Art du dressage. Voici d’abord une brève description de cette discipline et de ses exigences : le dressage consiste à développer le calme, la souplesse, la légèreté et la soumission chez le cheval. La confiance, l’attention et la vivacité sont également des qualités qui doivent être exploitées afin d’arriver à une compréhension et une synergie parfaites avec le cavalier. Depuis quelques années ce sport compte de plus en plus d’enthousiastes à travers le pays. Cependant, il est intéressant de s’attarder sur son histoire, qui remonte à plus de 2000 ans afin de bien comprendre l’évolution de cette remarquable discipline ainsi que sa raison d’être…
L’Art du dressage n’est pas un phénomène récent, en effet, on a retracé une certaine forme d’équitation en carrière qui se pratiquait 1500 ans avant J.C. Dans la Grèce ancienne, on ‘travaillait’ les chevaux, afin de les rendre obéissants et faciles à manœuvrer pour déjouer l’adversaire lors de combats guerriers. Le commandant grec Xénophon, né en 430 avant J.C., nous a laissé le premier traité d’équitation qui est toujours d’une actualité étonnante. Ses méthodes avant-gardistes pour son époque, incluaient une approche psychologique dont: le tact, la maîtrise de soi, la recherche constante de la beauté et de la perfection, la décontraction du cheval, et la légèreté. Ces principes de base furent une source d’inspiration pour les maîtres de l’Europe de l’après-Renaissance et demeurent ceux des cavaliers d’aujourd’hui.
Pendant plusieurs siècles, des croisements seront effectués entre les races pour adapter le cheval aux exigences de la guerre, cependant, ce fut au détriment de l’équitation classique qui évolua très peu pendant près de mille ans. Les progrès réalisés se résument en bref à Constantinople, qui fut le centre de l’équitation de cirque lors du règne de Constantin le Grand (306-337) et à cette même époque, le combat de taureaux qui origine de la Crète et de la Thessalie.
Ce sera seulement au XIIIème siècle à Naples que les Italiens retrouveront leur enthousiasme pour l’équitation académique et au XVIème siècle, lors de la Renaissance italienne que des écoles et académies équestres verront le jour. Jusqu’au XVIIIème siècle, l’équitation de manège connut la période la plus brillante de son existence et fut à son apogée sous Louis XIV à la cour de Versailles. À cette même époque, l’équitation se développa chez les Autrichiens et les Allemands, entre autre par la création de l’École Espagnole de Vienne. Au milieu du XVIIIème siècle, deux écoles de pensées distinguèrent l’équitation pratiquée en France et en Allemagne. Chez les français, la légèreté et l’art les préoccupèrent davantage alors que les prussiens privilégièrent la discipline et l’exactitude.
Parmi les écuyers qui auront le plus d’influence en Europe, on retrouve Gustave Steinbrecht (1808-1885). Considéré comme le plus raffiné de son époque, il écrivit Gymnase du Cheval qui est devenu par la suite la référence du cavalier classique allemand. Sa première exigence; « Cavalier, monte ton cheval dans le mouvement en avant et place-le droit!… » fut choisi comme leitmotiv pour l’École Espagnole de Vienne. À la cour du roi Soleil en France, François Robichon de la Guérinière (1688-1751) fut l’un, ou sinon le plus grand maître qui inspira le monde du dressage classique. Auteur de l’École de Cavalerie, publié à Paris et qui est devenu la bible qui fait autorité en dressage, elle recueille tous les principes et méthodes des Maîtres français écrits jusque là. La Guérinière est aussi reconnu pour ses travaux sur l’épaule en dedans et le demi-arrêt. Il nous a laissé de précieuses définitions sur les mouvements de dressage et est responsable de plusieurs améliorations de la position classique et de la selle de manège.
Bien que la plupart des grands maîtres de l’équitation classiques proviennent majoritairement de France, d’Allemagne et d’Italie, l’Angleterre compte toutefois un personnage important : le Duc de Newcastle (1592-1676). Reconnu comme le plus grand maître d’équitation anglais de tous les temps, Newcastle ne fut jamais reconnu comme tel dans son propre pays. Obligé de s’exiler en France lors de la guerre civile qui éclata en Angleterre, c’est la noblesse d’Europe qui profita le plus de son enseignement. Sa méthode était basée sur la douceur et la psychologie et il admettait que le vice était le résultat de la mauvaise éducation inculquée par l’homme. Ce fut lorsque le pur sang anglais vit le jour en Angleterre, issu du croisement de l’arabe Darley, le barbe Godolphin et de turc Berkley, qu’un style d’équitation complètement différent émergea : la chasse à courre. Cet événement divisa l’équitation en deux catégories, celle de manège ou dressage et l’équitation sportive d’extérieur. C’est davantage dans cette deuxième catégorie que l’Angleterre se spécialisa.
La France, considérée comme étant le berceau de l’équitation classique domina cette discipline pendant plusieurs siècles. On ne peut donc parler d’équitation classique sans évoquer la célèbre école de cavalerie française de Saumur, fondée en 1771 par le Duc de Choiseul. Ce n’est par contre qu’en 1814, après la révolution que l’École de Saumur, aussi désignée sous le nom du Cadre Noir, vit vraiment le jour. Un de ses écuyers en chef les plus influents, le Comte d’Aure (1799-1863) fut reconnu entre autre pour avoir libéré l’équitation française des restrictions de l’étiquette de cour, mais fut également associé à des démêlés avec son rival, François Baucher. Ce dernier, qui avait une philosophie différente et plus conservatrice de l’équitation, démontra son art par le cirque et forma de brillants élèves tel qu’Alexis l’Hotte. Un peu plus tard, Beudant (1863-1949) et le général Decarpentry (1878-1956) aussi issus de Saumur, ont permis de faire évoluer le dressage jusqu’à l’ère moderne. En 1972, l’École Nationale d’Équitation se forme autour du Cadre Noir et depuis, des civils et militaires privilégient l’étude et l’enseignement de l’équitation à la française.
Jusqu’au 20ème siècle, l’équitation subit d’énormes changements et plusieurs autres personnages ont contribué à cette évolution. On peut citer James Fillis qui fut à l’époque une célébrité de la Haute École, Federico Caprilli qui apporta la position en suspension et le Colonel Alois Podhajsky, directeur de l’École Espagnole de Vienne, qui laissa des ouvrages complets sur le dressage. Un peu plus près de nous, vers la fin du 20ème siècle, un véritable Maître marqua son influence à travers le monde: Nuno Oliveira. D’origine Portugaise, Nuno bénéficia d’une formation de son parrain, le Maître Miranda, dernier Écuyer de la Maison Royale du Portugal. Miranda lui enseigna les méthodes classiques, mais aussi que l’art équestre lui offrirait une nouvelle vision de la vie, une vision qui chercherait le beau, le juste et le vrai. Vers l’adolescence, Nuno entraîna les chevaux de riches familles Portugaises et était invité à faire des représentations en public. Plus tard, il ouvrit son école d’équitation et de nombreux cavaliers, de niveau débutant jusqu’aux cavaliers de niveau olympique vinrent étudier chez lui. Auteur de six recueils, il nous laissa dans ses écrits les préceptes fondamentaux pour tout cavalier désirant atteindre les plus hauts sommets. N’ayant jamais concouru, Nuno prônait l’Art et non la compétition. De plus, bien qu’il montait diverses races de chevaux, ses présentations avec des chevaux lusitaniens firent connaître davantage ce magnifique animal. En bref, il est incontestable que Nuno Oliveira fut le Maître de ce siècle et permit de perpétuer la tradition des grands maîtres classiques des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles.
L’art équestre qui évolua sur plus de deux milles ans en Europe, au gré des événements historiques et des conditions sociales, fait l’objet depuis plusieurs années d’un intérêt grandissant. Reconnue comme discipline Olympique depuis 1912, le Grand Prix de dressage était cependant réservé aux militaires et comprenait une partie à l’obstacle afin de démontrer la capacité des chevaux de troupes. Aujourd’hui, les points principaux retenus dans les épreuves de dressage sont :la régularité et la souplesse des allures, l’harmonie, la légèreté et la facilité avec lesquelles sont exécutés les mouvements, l’impulsion, l’engagement des postérieurs et la légèreté de l’avant-main. Cependant, parmi ces épreuves, ce sont les kürs en musique qui sont les plus appréciés du public. Les européens qui ont dominé ou qui dominent tels que: Reiner Klimke, Margit Otto-Crepin, Anky van Grunsven’s et Isabell Werth ont été ou sont fortement avantagés par la popularité de ce sport traditionnel dans leurs pays. Plus près de nous, l’équipe américaine parvint à obtenir la médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney en dressage. Au Canada, certains de nos cavaliers se sont également distingué sur la scène internationale tels que : Gina Smith, Cindy Ishoy et Christilot Boylen.
« Le cheval enseigne à l’homme la maîtrise de soi, et la faculté de s’introduire dans les pensées et les sensations d’un autre être vivant. » Alois Podhajsky
Bibliographie:
-LOCH, Sylvia. Histoire de l’Équitation Classique, De l’antiquité à nos jours, Maloine, Paris, 1994.
-OLIVEIRA, Nuno. L’Art Equestre. Crépin-Leblond, Paris, 1991